Boualem Sansal : le silence des chancelleries, le cri d’un écrivain

Publié le 4 juillet 2025 à 08:28

À 80 ans, Boualem Sansal risque de finir ses jours en prison pour avoir trop dit. La justice a parlé, mais la conscience vacille. Entre diplomatie feutrée et silence pesant, un écrivain devient un symbole. Et si la vraie liberté d’un pays se mesurait à la place qu’il laisse à ses voix dissonantes ?

 

C’était un scénario prévisible. On a condamné Boualem Sansal à cinq ans de prison, à 80 ans, dans un silence feutré. Pas de procès médiatisé. Pas de clameur dans la rue. La justice a prononcé son oraison funèbre avec la froideur bureaucratique des régimes sûrs d’eux-mêmes. C’est légal. Oui. Mais est-ce juste ? Est-ce bon ? Est-ce évangélique ?

Je ne suis pas de ceux qui jettent l’encens à tout va. J’ai quitté les assemblées paroissiales et de vie, lassé des pouvoirs et des sermons sans feu. Mais j’ai gardé l’Évangile vissé au cœur, comme une braise sous la cendre. Et l’Évangile, le vrai, celui de la montagne, celui qui renverse les puissants de leurs trônes et relève les humiliés, me pousse à dire : Non. Cela ne peut pas être ainsi. Pas au nom du droit. Pas au nom de la raison d’État. Pas au nom du peuple.

Boualem Sansal, c’est un homme libre. Trop libre, diront certains. Un écrivain qui a dit l’Algérie sans fard, sans flatterie, avec l’amour blessé d’un fils lucide. On le punit pour cela. Comme on a puni tant d’intellectuels avant lui. Car voyez-vous, les régimes autoritaires ne redoutent pas les armes : ils craignent les mots. Les mots qui grattent. Les mots qui réveillent. Les mots qui disent la vérité, même nue, même laide.

Mais il y a un détail qui m’échappe, ou qui me fascine : c’est ce silence international. Quelques communiqués, une résolution dans une assemblée (européenne), un soupçon de diplomatie, un murmure français à l’oreille algérienne… et puis ? Rien. On attend que la pluie passe. Que l’homme meure, peut-être… en douce… en paix. On s’indignera pour la forme et on l’oubliera.

La diplomatie, parlons-en ! C’est un traitement anesthésiant pour apaiser les nerfs de part et d’autre. Si le traitement n’est plus efficace, alors on emploie les sanctions. Certains pays diront « même pas peur ». Dans la diplomatie, il y a des compromis secrets… tellement secrets qu’il y a des fuites dans les médias. Dans la diplomatie, on apprend à avaler des couleuvres et, quand la porte claque, il y a des sanctions, et là, le peuple s’exprime, s’en mêle.

Eh bien non. Pas en mon nom. Pas au nom de ceux qui croient encore que la dignité humaine n’est pas négociable. Que les geôles ne peuvent être les tombeaux des écrivains et des poètes. La justice dit le droit… pas le vrai ni le juste.

J’en appelle à la conscience, non à la politique. J’en appelle au président Tebboune, non pour flatter son pouvoir, mais pour lui rappeler ce que signifie la grâce qui existe dans son pays, dans sa constitution. Pas la grâce théologique… je ne lui demande pas de croire… mais la grâce humaine, celle qui sauve un homme pour ce qu’il est : un frère fragile qui n’a que sa plume comme arme.

Le 5 juillet approche. C'est demain ! L’Algérie fêtera sa liberté. Quelle ironie ! La fête de l’indépendance pourrait coïncider avec l’enterrement d’un esprit libre. Serait-ce là le message à transmettre aux nouvelles générations ? Que la liberté a une date de péremption ? Qu’on peut fêter la souveraineté en enfermant ses penseurs et ses intellectuels ? Je refuse ce monde-là.
Et je le dis avec la voix d’un catholique en marche, non d’un dévot agenouillé. Un catholique libertaire, amoureux du Verbe, qui croit encore que la Vérité rend libre, même si elle dérange. Même si elle coûte cher.

Il y a urgence. Boualem Sansal ne doit pas mourir en prison. Ce serait une faute politique. Une honte morale. Un péché public.

Alors, frères et sœurs de tous bords, croyants ou non, faites du bruit avec votre plume. Écrivez… parlez... chantez… témoignez. Car, dans ce monde où les puissants dressent des murs, il faut des sentinelles qui crient : « Ce n’est pas juste. Ce n’est pas humain. Ce n’est pas digne. »

Et vous, chers responsables algériens, je vous le dis simplement : vous avez entre vos mains la possibilité d’offrir la liberté à cet homme. Libérez Boualem Sansal.
Non pour plaire aux chancelleries, mais pour vous réconcilier avec votre propre dignité. Et que Dieu, s’Il vous inspire encore, vous donne le courage de l’acte juste.

Didier Antoine Catholique libertaire insignifiant